L’Académie canadienne du génie
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Génie et politique

Robert Crawhall, directeur général de l’ACG

Les idées et les points de vue des ingénieurs expérimentés peuvent-ils aider à élaborer des politiques gouvernementales? Si oui, comment? L’élaboration de politiques à tous les paliers gouvernementaux est une affaire complexe qui requière de nombreux acteurs et intervenants. Est-ce qu’une politique de plus changerait la donne? Le calcul politique et un récit fort en émotions sont souvent deux facteurs de réussite importants dans la mise en œuvre de politiques. Au cours des dernières années, les gouvernements ont appris que la science peut également contribuer à l’élaboration de bonnes politiques et, le cas échéant, à la génération de preuves pouvant servir de fondement solide et rationnel à la prise de décision.

Des organismes comme le Conseil des académies canadiennes dont l’Académie canadienne du génie (ACG) est un membre fondateur, ainsi que le Collectif en faveur des sciences et de la technologie dont l’ACG est également membre, entreprennent des évaluations et condensent la science et la technologie complexes en éléments essentiels requis par les décideurs politiques. De plus, plusieurs organismes sans but lucratif tiennent des conférences, rédigent des rapports et organisent des séminaires dans lesquels les décideurs politiques peuvent puiser de nombreuses perspectives éclairées.

Alors, pourquoi l’ACG croit-elle qu’une autre voix distincte est requise? Le fait est qu’un bon nombre d’initiatives politiques majeures mènent aujourd’hui à des projets d’ingénierie complexes et d’envergure, et que de nombreux Fellows de l’ACG ont consacré leur carrière à diriger de grands projets à volets multiples et à acquérir une compréhension approfondie des technologies émergentes. Une connaissance pratique des ressources et du temps nécessaire pour fournir des solutions entièrement fonctionnelles à une date précise de même que les risques et les éventualités requises est un atout important dans la prise de décision.

Par exemple, il n’est pas suffisant d’encourager les gens et les organismes à gérer le changement climatique dans la mesure du possible. En tant que pays, nous devons atteindre une norme de rendement (carboneutralité) à une date donnée (2050). Il y a des conséquences réelles dans l’échec de cette mission tant pour le Canada que pour de nombreux autres pays. Même avec le succès commercial du captage et stockage du CO2 (CSC), il est généralement estimé que le Canada devra au moins doubler sa capacité de production d’énergie électrique pour atteindre les objectifs en matière d’électrification pour le transport, les processus industriels et le chauffage.

La première énergie hydroélectrique commerciale a été produite au Canada en 1881 lorsque l’entrepreneur d’Ottawa, Thomas Ahearn, a installé un générateur à la chute des Chaudières ou Akikodjiwan. En 1885, Ottawa est devenue la première ville au monde à éclairer toutes ses rues de façon électrique et les Chambres du Parlement du Canada ont été les premières à être éclairées par la lumière électrique. Près de 140 plus tard, le Canada possède plus de 140 gigawatts de capacité de production. Doubler cette capacité au cours des 30 prochaines années est une tâche d’ingénierie non négligeable et représente seulement un élément d’une transformation industrielle massive qui sera nécessaire.

Pour atteindre nos objectifs d’ici 2050, il faut donc avoir un plan. Ce plan comporte plusieurs étapes, dont l’évaluation, la consultation et la négociation. Les Canadiens ont géré certains des plus grands projets d’ingénierie au monde, mais personne n’a jamais géré quelque chose d’aussi important.

En 2016, l’ACG a publié le rapport du Projet Trottier pour l’avenir énergétique. Le rapport a exposé plusieurs voies que peut suivre le Canada pour atteindre ses objectifs en matière de changement climatique. À mesure que le temps passe, ces voies deviennent de moins en moins nombreuses et de plus en plus périlleuses. Au cours des prochains mois et des années à venir, l’ACG travaillera avec ardeur pour formuler une « perspective d’ingénierie » sur la carboneutralité et d’autres grands enjeux de notre époque.

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